H. D. THOREAU : La simplicité comme idéal de vie

Publié le 7 Octobre 2021

Photographie Serge Knauss -

Photographie Serge Knauss -

Je suis parti dans les bois parce que je désirais vivre de manière réfléchie, affronter seulement les faits essentiels de la vie, voir si je ne pouvais pas apprendre ce qu’elle avait à m’enseigner, et non pas découvrir à l’heure de ma mort que je n’avais pas vécu. Je ne désirais pas vivre ce qui n’était pas une vie car la vie est très précieuse ; je ne désirais pas davantage cultiver la résignation, à moins que ce ne fût absolument nécessaire. Je désirais vivre à fond, sucer toute la moelle de la vie, vivre avec tant de résolution spartiate que tout ce qui n’était pas la vie serait mis en déroute, couper un large andain[i], et tondre ras, acculer la vie dans un coin, et la réduire à ses composants les plus élémentaires, et si elle devait se montrer  mesquine, eh bien alors, en tirer toute l’authentique mesquinerie et avertir le monde entier de cette mesquinerie ; ou si elle devait se révéler sublime, la connaître par l’expérience, et réussir à en établir un rapport fidèle lors de mon excursion suivante. Car la plupart des hommes, me semble-t-il, sont plongés dans une étrange perplexité, incapables de décider si elle vient du diable ou de Dieu, et ils ont conclu un peu vite que le but de l’homme ici-bas est de « glorifier Dieu et de trouver en Lui un bonheur éternel[ii] ».

    (…) Notre vie s’émiette en menus détails. Un honnête homme à rarement besoin de compter plus loin que sur ses dix doigts et dans les cas extrêmes, il peut ajouter ses dix orteils, et laisser tomber le reste. Simplicité, simplicité, simplicité !

 

Henry D. THOREAU, Walden, chap. II « Où j'ai vécu et  pour quoi j'ai vécu »

 

[i] Alignement d’herbe, de foin ou de céréale que le faucheur laisse au fur et à mesure qu’avance le travail.

[ii] Catéchisme de Nouvelle-Angleterre

Nous nous référons à la très belle traduction de Brice Matthieussent aux éditions Le Mot et le Reste.

 

 

 

    Il est intéressant de mettre en parallèle le texte de H. D. Thoreau avec le texte suivant  de Plotin, extrait des Ennéades I, 6 (in P. Hadot, Exercices spirituels et philosophie antique, Paris, Albin Michel 2002, p. 58-59) 

la philosophie est d'abord un travail sur soi.

Celui qui veut connaître ce qui est,  doit d'abord accéder à sa vérité. Ce qui n'est possible que par l'expérience, que par la pratique d'exercices spirituels qui permettent à l'individu de "purifier" son âme des passions et d'accéder au Bien.

Si tu  ne vois pas encore ta propre beauté, fais comme le sculpteur d’une statue qui doit devenir belle : il enlève ceci, il gratte cela, il rend tel endroit lisse, il nettoie tel autre, jusqu’à ce qu’il fasse apparaître le beau visage dans la statue. De la même manière, toi aussi, enlève tout ce qui est superflu, redresse ce qui est oblique, purifiant tout ce qui est ténébreux pour le rendre brillant, et ne cesse de sculpter ta propre statue  jusqu’à ce que brille en toi la clarté divine de la vertu […]. Si tu es devenu cela […] n’ayant plus intérieurement quelque chose d’étranger qui soit mélangé à toi […] si tu te vois ainsi […], regarde en tendant ton regard. Car seul un tel oeil peut contempler la Beauté.

 

Plotin

Rédigé par A. Louangvannasy

Publié dans #simplicité, #Thoreau, #Plotin

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M
exprimer le beau, est plonger dans l'émotion de nos pensées et se laisser conduire pas le bon sens. nos idées sont belles à exprimer dans sa non-pratique et l'Etre périt dans un beau misérable. contempler la nature est l'origine de tout création, et l'homme meurt dans ses désirs. nous vivons par dépendance de nos actions. que la connaissance soit atteinte.
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