Explication de texte dirigée : F. Bacon, Novum Organum (1620)
Publié le 27 Octobre 2022
Les philosophes qui se sont mêlés de traiter des sciences se partageaient en deux classes, les empiriques (1) et les dogmatiques (2). Les empiriques semblables à des fourmis, se contentent d’amasser et de consommer ensuite les provisions. Les dogmatiques, tels que les araignées, tissent des toiles dont la matière est extraite de leur propre substance.
L’abeille garde le milieu ; elle tire la matière première des fleurs des champs et des jardins ; puis par un art qui lui est propre, elle la travaille et la digère. La vraie philosophie fait quelque chose de semblable ; elle ne se repose pas uniquement ni même principalement sur les forces naturelles de l’esprit humain, et cette matière qu’elle tire de l’histoire naturelle et des expériences mécaniques, elle ne la jette pas dans la mémoire telle qu’elle l’a puisée dans ces deux sources, mais après l’avoir aussi travaillée et digérée, elle la met dans l’entendement (3). Ainsi, notre plus grande ressource et celle dont nous devons tout espérer, c’est l’étroite alliance de ces deux facultés : l’expérimentale et la rationnelle, union qui n’a point encore été formée.
F. Bacon, Novum Organum (1620)
Notes :
(1) Les empiriques : Les philosophes qui se soumettent à la méthode empiriste la plus stricte, c'est-à-dire qui fondent la connaissance sur l'observation et qui se contentent d’observer et d’amasser des données.
(2) Les dogmatiques : Il s’agit ici des rationalistes purs pour qui la connaissance repose
uniquement sur la raison ou l’intellect et n’emprunte rien aux données de l’expérience.
(3) L’entendement : l’intellect, la faculté de comprendre.
Méthode : Comment travailler ce texte ?
1° Étape : La lecture du texte
J'essaie de dégagez la structure d'ensemble du texte :
- le thème (De quoi parle le texte en général ? Il s'agit de trouver un mot ou une expression qui concerne l'ensemble du texte et pas seulement une partie du texte.)
- le problème posé par le texte ( Le problème doit porter sur le thème du texte ; je formule le problème sous la forme d'une question.)
- la thèse du texte (La thèse est la réponse apportée au problème. Elle est le point de vue de l'auteur sur le thème du texte.)
- le plan du texte ( Je découpe le texte en parties. Chaque partie doit contenir une idée distincte que je résume en une phrase. J'indique précisément mon découpage : de la ligne x à la ligne y.)
Pour l'instant cette première proposition de lecture du texte n'est qu'une hypothèse de travail que je vais maintenant vérifier en faisant une explication linéaire et détaillée du texte. Il sera donc peut-être nécessaire de corriger cette première hypothèse de lecture. D'où l'importance de travailler au brouillon.
2° Étape : L'explication linéaire et détaillée du texte.
Le verbe expliquer vient du latin "explicare" qui signifie "déplier". C'est de cela dont il s'agit ici. Il s'agit de "déplier" la pensée d'un auteur sans la trahir. Ce texte à expliquer est comme une boule de papier froissé que l'on mettrait à plat, l'explication mettant en lumière ce qui se cachait dans la pliure du texte.
Il y a trois écueils à éviter :
- Il faut éviter de paraphraser le texte, le répéter sans l'approfondir - sans effectuer ce travail de dépliage - dans ce cas l'explication reste très superficielle, et généralement le texte n'est pas compris.
- Il faut éviter de trahir ou de tordre le texte en lui faisant dire ce qu'il ne dit pas. C'est généralement ce qui se passe lorsque le texte vous donne à penser, dans ce cas vous n'exposez pas la pensée de l'auteur mais votre propre pensée.
- Vos connaissances sont au service du texte, ce n'est pas le texte qui est au service de vos connaissances.
L'explication suit strictement l'ordre d'exposition du texte. Elle est linéaire. Un texte de philosophie est une démonstration rigoureuse; il faut donc respecter l'ordre d'exposition des arguments de l'auteur ainsi que la logique de raisonnement. Attention de ne pas céder à la tentation de réécrire le texte.
Apprendre à faire une explication de texte c'est d'abord apprendre à questionner un texte. C'est le but de cet exercice. Vous devez portez une attention particulière aux questions posées car par la suite ce sera à votre tour de trouver les bonnes questions à poser au texte.
Explication détaillée et linéaire du texte
Phrase 1 : Les philosophes qui se sont mêlés de traiter des sciences se partageaient en deux classes, les empiriques (1) et les dogmatiques (2). (pour les notes (1) et (2) voir le texte.)
- De quoi/de qui traite cette phrase ?
- Je repère dans le texte une distinction entre deux genres : quels sont ces genres ? Quelle est la fonction de cette distinction ?
- Cette première phrase est-elle un constat ou une hypothèse ?
Phrase 2 : Les empiriques semblables à des fourmis, se contentent d’amasser et de consommer ensuite les provisions.
- Que fait l'auteur dans cette phrase ?
- Quel est le rapport logique de cette phrase avec la phrase précédente ?
- Pourquoi l'auteur utilise-t-il l'image des "fourmis" ? Comment interpréter cette image ?
Phrase 3 : Les dogmatiques, tels que les araignées, tissent des toiles dont la matière est extraite de leur propre substance.
- Que fait l'auteur dans ce texte ?
- Quel autre terme pourrait-on utiliser pour qualifier les "dogmatiques" ?
- Quel est le lien logique entre cette phrase et la première phrase ?
- Pourquoi l'auteur utilise-t-il l'image de "l'araignée" ? Comment interpréter cette image ?
- Qu'est-ce qui distingue la fourmi de l'araignée ? Si j'applique maintenant cette distinction à l'empirique et au dogmatique qu'est-ce qui les distingue ?
- Est-ce que vous avez le sentiment que l'auteur prend parti pour l'un ou l'autre des points de vue ?
Phrase 4 : L’abeille garde le milieu ; elle tire la matière première des fleurs des champs et des jardins ; puis par un art qui lui est propre, elle la travaille et la digère.
L'auteur introduit une troisième métaphore concernant un troisième genre d'insecte l'abeille.
- Expliquez : "l'abeille garde le milieu". Le milieu entre quoi et quoi ?
- Qu'est-ce qui caractérise le comportement de l'abeille ? Quel point commun l'abeille a-t-elle avec la fourmi ? Quel point commun a-t-elle avec l'araignée ?
- Quelle relation logique existait-il entre la métaphore des fourmis et la métaphore de l'araignée ? Quelle est la fonction de cette troisième métaphore ?
Phrase 5 : La vraie philosophie fait quelque chose de semblable ; elle ne se repose pas uniquement ni même principalement sur les forces naturelles de l’esprit humain, et cette matière qu’elle tire de l’histoire naturelle et des expériences mécaniques, elle ne la jette pas dans la mémoire telle qu’elle l’a puisée dans ces deux sources, mais après l’avoir aussi travaillée et digérée, elle la met dans l’entendement (3).
- Quelle relation logique relie la phrase 4 et la phrase 5 ?
- De quelles forces naturelles de l'esprit humain est-il question ici ?
- Quelle est cette "matière" que la philosophie tire ou extrait de " l'histoire naturelle et des expériences mécaniques" ? En quoi consistait l'histoire naturelle et la physique mécanique au XVII° siècle ?
- En quoi consiste le travail et la "digestion" philosophique ? Interpréter la métaphore de la "digestion".
- Quelles sont les "deux sources" de la pensée philosophique ?
- Dans la note (3) on définit l'intellect comme la faculté de comprendre. Quelle est la différence de sens entre les verbes connaître et comprendre ? (vous avez besoin ici d'un bon dictionnaire 😉 )
- Expliquez en quoi le travail de la "vraie philosophie" est "semblable" au travail de l'abeille ?
- Pourquoi l'auteur a-t-il besoin de qualifier ce nouveau point de vue sur la philosophie de "vraie" ?
- Quelle thèse défend l'auteur dans cette phrase ?
Phrase 6 : Ainsi, notre plus grande ressource et celle dont nous devons tout espérer, c’est l’étroite alliance de ces deux facultés : l’expérimentale et la rationnelle, union qui n’a point encore été formée.
- Quelle est la fonction logique de l'adverbe ainsi ?
- Quelle idée introduit l'expression "notre plus grande" ? Qu'est-ce qu'une "ressource" en général ? A quelles autres "ressources" l'auteur fait-il allusion ?
- Expliquer "dont nous devons tout espérer"? Quel sens donner ici au nom "tout" ? Qui est ce "nous" dont parle F. Bacon ? Dans quels domaines devons-nous "espérer" quelque chose ?
- Quelle est pour F. Bacon "notre plus grande ressource" ? Cette ressource existe-t-elle ?
- Comment appelle-t-on en sciences la méthode qui réunit l'observation et la raison ?
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3° Étape : la rédaction
Maintenant que j'ai terminé mon explication linéaire et détaillée du texte, je vérifie ma première hypothèse de lecture : thème, problème, thèse, plan du texte.
Je rédige l'introduction de mon explication :
Dans l'introduction, après une très brève amorce qui introduit mon propos, j'annonce (en respectant l'ordre donné) :
- le thème
-le problème
- la thèse
- le plan du texte
-je soulève une question posée par la thèse du texte qui ouvre une discussion.
Au propre mon travail s'organise ainsi :
-L'introduction
- L'explication de texte organisée en fonction du plan du texte (c'est à dire que la première partie de mon explication correspond à la première partie du texte, la deuxième partie de mon explication correspond à la deuxième partie du texte, ...etc.)
- une courte discussion en deux ou trois parties : A. Je rappelle la thèse du texte. B. J'expose le problème qu'elle soulève. C. Je tente de résoudre ce problème (si je le peux).
Remarque : le jour du baccalauréat, la discussion de la thèse n'est plus considérée comme absolument nécessaire. Mais tout au long de l'année il vaut mieux s'y astreindre cela permet de mobiliser ses connaissances.
- Une (courte) conclusion qui porte à la fois sur l'explication et la discussion.