Cours : la connaissance (3) L'idée de vérité
Publié le 29 Décembre 2012
LA VERITE
1. la vérité comme adéquation
La définition classique de la vérité la caractérise comme consistant dans l'accord de l'esprit et des choses, de la pensée et de son objet. Pour le dogmatisme ou le rationalisme classique (cf. Descartes), cette définition n'offre aucune difficulté puisque l'esprit a le pouvoir de se représenter le réel tel qu'il est.
2. Mais que peut devenir la notion de vérité avec la ruine du dogmatisme ?
Comme le montre Kant dans la Critique de la raison pure, l'objet ne nous est plus donné, il est une construction de notre esprit. La vérité ne doit donc être non plus définie par rapport à l'objet (ou si l'on veut à la réalité) mais par rapport aux capacités du sujet connaissant.
Pour Kant, la science est dite vraie en ce sens que nous sommes assurés que que ses lois se trouveront réalisées en toute expérience possible conçue et réalisée par l'homme. Mais s'il en est ainsi , c'est parce que toute expérience se conformer aux nécessités de notre esprit. La vérité est donc relative à l'homme.
3) la théorie de la falsifiabilité
Kant concevait encore la vérité comme universelle et immuable. Mais aujourd'hui, non seulement la vérité se conçoit moins comme un état ou une chose donnée, mais comme une perpétuelle construction, la science nous ayant accoutumé à considérer que la vérité est en progrès et qu'au lieu d'être exclusive de l'erreur elle est susceptible d'être plus ou moins vraie.
Comme l'écrit Karl Popper (XX° siècle) une théorie est vraie tant que l'on n'a pas démontrée expérimentalement qu'elle est fausse, tant qu'elle n'est pas été mise à l'épreuve de la réfutation. C'est d'ailleurs sa capacité à être réfutée (falsifiée) qui la définit comme science Ainsi la science ne peut forger aucune certitude absolue.
4) Le pragmatisme ( William James fin du XIX° siècle )
Certains philosophes voient dans la connaissance, avant tout un moyen d'adaptation de l'être à son milieu. L'homme est un être vivant et les études psychologiques portant sur les opérations mentales qui constituent la connaissance dans son sens commun (perceptions, associations, abstractions et généralisations spontanées, raisonnements par analogies, etc.) sont le résultat de nécessités vitales, de fonctions biologiques. Comme la connaissance commune, la science poursuit elle aussi un but pratique et utilitaire.
Pour les pragmatistes tels que William James la pensée est subordonnée à l'action. Ils développent une conception dynamique de la vérité. L'idée n'est qu'un instrument action, qu'un moment de l'action. L'idée vraie sera sera donc l'idée qui se vérifiera, qui sera pour l'action un un instrument utile. Une idée est vraie si elle est utile et elle est utile si elle est vraie.
Cette utilité peut être entendue de diverses façons : la loi physique est vraie parce qu'elle permet d'agir sur le monde, l'idée religieuse est vraie parce qu'elle nous réconforte et nous fortifie, l'hypothèse scientifique est vraie parce qu'elle est utile pour l'esprit et permet de penser le mondede façon commode, économique et simplifiée...
5) Pour d'autres penseurs (par exemple en sociologie), la vérité se définirait par son universalité comme ce qui serait admis par tous, elle se définirait par le consentement universel.
6) Problème : les doctrines qui définissent la vérité indépendamment de son objet et par rapport au seul sujet connaissant (4) ( ou à l'ensemble des sujets connaissants (5)) peuvent nous amener à considérer comme vraies des idées contradictoires : par exemple si on prend le critère pragmatiste, telle vérité utile pour la pensée pourra s'opposer à telle vérité utile pour le coeur; si on prend comme critère l'universalité, il faudra dire qu'il était vrai qu'au Moyen Âge, la Terre était immobile au centre de la Terre. De telles théories aboutissent (ou devraient aboutir) à un pluralisme, (ce qui est d'ailleurs le but du pragmatisme) affirmant qu'il n'y a pas une vérité mais des vérités.
De telles conceptions enlèvent toute valeur à la raison conçue comme exigence de cohérence interne et d'objectivité. Elles ruinent la notion de vérité elle-même.
L'idée d'accord ou de correspondance avec l'objet est constitutive de la notion de vérité même si il n'existe pas de critères absolus de vérification. Une idée non conforme au réel peut être réconfortante, elle peut aussi entraîner l'assentiment de tous les esprits. Mais pouvons-nous dire que cette idée est vraie ?
La réussite ou l'utilité, ainsi que l'universalité, loin de constituer l'essence de la vérité, semblent donc n'en être que les signes habituels. La réussite constante des lois en physique indique que ces lois sont conformes au réel. Il ne faut donc pas dire qu'une idée est vraie parce qu'elle réussit, mais qu'elle réussit parce qu'elle est vraie. De même l'accord des esprits relativement à une idée semble être le signe de l'objectivité de cette idée.
Conclusion
On ne peut donc définir la vérité sans faire intervenir la relation à l'objet, à la réalité. Sans doute nos idées ne sont-elles pas exactement les images, les copies des choses, car il ne peut y avoir une «adéquation » absolue entre la chose et la pensée de la chose comme le pensait le dogmatisme. Le sujet a une nature à travers laquelle il appréhende l'objet et le produit comme objet de connaissance. Mais si ce qu'est «la chose-en-soi» lui échappe, on peut penser qu'il y a cependant malgré tout entre la pensée et le réel une certaine correspondance, tout en gardant à l'esprit que notre connaissance ne peut être que relative à ce que nous sommes.
Mot clés :vérité, pragmatisme, universalité, objectivité, falsifibilité, réfutation