Explication d'un texte philosophique : Bachelard, la formation de l'esprit scientifique

Publié le 15 Octobre 2022

[Photographie Paul Cupido, Hanabi 2022] ....

[Photographie Paul Cupido, Hanabi 2022] ....

 

Objectif :

préparation à l'épreuve de l'explication d'un texte philosophique

La lecture méthodique d’un texte philosophique

 

« La science dans son besoin d’achèvement comme dans son principe   s’oppose absolument à l’opinion. S’il lui arrive, sur un point particulier de légitimer l’opinion, c’est pour d’autres raisons que celles qui fondent l’opinion ; de sorte que l’opinion a, en droit[1], toujours tort. L’opinion pense mal ; elle ne pense pas : elle traduit des besoins en connaissances. En désignant les objets par leur utilité, elle s’interdit de les connaître. On ne peut rien fonder sur l’opinion[2] ; il faut d’abord la détruire. Elle est le premier obstacle à surmonter. Il ne suffirait pas, par exemple de la rectifier sur des points particuliers, en maintenant, comme une sorte de morale provisoire. L’esprit scientifique nous interdit d’avoir une opinion sur des questions que nous ne comprenons pas, sur des questions que nous ne savons pas formuler clairement. Avant tout il faut savoir poser des problèmes et quoiqu’on dise, dans la vie scientifique, les problèmes ne se posent pas d’eux-mêmes. C’est véritablement ce sens du problème qui donne la marque du véritable esprit scientifique. Pour un esprit scientifique, toute connaissance est une réponse à une question. S’il n’y a pas eu de question, il ne peut y avoir de connaissance scientifique. Rien ne va de soi. Rien n’est donné. Tout est construit. »

 Gaston BACHELARD, La formation de l’esprit scientifique, 1938

Notes du texte
[1]  « en droit » signifie ici dans son principe, dans ce qui la fonde. 

[2] On peut définir très généralement l’opinion comme une « une représentation collective » (E. DURKHEIM), comme « un jugement collectif porté sur un fait ou sur une croyance par une société donnée » ( A. Lalande) L’opinion a donc une dimension sociale ou collective  qui fonde son autorité et qui fait qu’elle s’impose à l’individu.

→ Questions de compréhension :

 1) Quel le thème du texte ?

 2) A quelle question répond ce texte ?

 3) Quelle est la thèse du texte ?

 4) Quelles sont les étapes de l’argumentation ?

Je divise le texte en plusieurs parties. Je résume en une phrase l’idée contenue dans chaque partie et je précise la relation logique qui lie les parties entre ellesJe ne me contente pas de découper le texte.)

5) Expliquer « l’opinion a, en droit, toujours tort. L’opinion pense mal ; elle ne pense pas. Elle traduit des besoins en connaissances. En désignant les objets par leur utilité, elle s’interdit de les connaître. »

 

Question de réflexion :

Doit-on se libérer de ses opinions ?

 

 

ELEMENTS DE CORRECTION

  

Remarque : Une des  difficultés du texte est que les élèves se sont retrouvés face à un texte opposant deux notions : l'opinion et l'esprit scientifique. Le mot "opinion " étant répété 7 fois dans le texte, certains en ont déduit que le texte portait sur l'opinion (ce qui était un mauvais calcul) . Or si  le texte est construit sur une opposition entre l'opinion et la science, c'est pour amener le lecteur  à rejeter l'opinion   pour lui préférer l'esprit scientifique. L'opinion est donc un thème secondaire dont la fonction est de mettre en valeur les caractéristiques de l'esprit scientifique selon Gaston Bachelard

  

CORRECTION

le thème : la science (la connaissance), plus précisément  "l'esprit scientifique" ou la démarche scientifique.

la question posée par le texte : "comment procède la science" ? ou "qu'est-ce qui caractérise (définit) l'esprit scientifique" ?

la thèse du texte : La science détruit les opinions et les évidences. Elle procède par questionnement, en construisant des problèmes à résoudre.

  

Remarques: 

- Il y a toujours qu'un seul thème par texte et donc par voie de conséquence un seule question et une seule thèse répondant à cette question. Il doit y avoir une cohérence entre le thème, la question et la thèse. Cette cohérence nécessaire permet de s'auto-évaluer.

- Si le thème et la thèse choisis par l'élève ne portent que sur une partie du texte, ce n'est pas satisfaisant. La thèse doit prendre en considération l'ensemble du texte.  Lorsqu'ils travaillent sur l'argumentation (plan) du texte, les élèves  peuvent se rendre compte par eux même si leurs premières hypothèses de lecture sont satisfaisantes ou non. 

Exemple  Maéna, Kristel nous proposent comme thèse : l'esprit scientifique, comme question posée par le texte : "comment se forme l'esprit scientifique" ? Mais elles donnent ensuite une thèse incomplète : par exemple "on forme l'esprit scientifique en détruisant l'opinion". Cette réponse n'est pas satisfaisante car elle se limite au premier paragraphe du texte et  ne précise pas en quoi consiste cet esprit scientifique. C'est pour cela qu'il souvent très utile  de revenir à la question philosophique de base "qu'est-ce que.....?"

 

Les étapes de l'argumentation

 On pouvait se contenter de diviser le texte en deux parties :

I° partie : L 'opinion ne peut fonder aucune certitude ou connaissance vraie, elle est un obstacle à la connaissance vraie  (lignes 1 à 7)

II° Partie : Pour connaître il faut d'abord apprendre à poser des questions. L'esprit scientifique consiste  d'abord à construire des problèmes. C'est le sens du problème qui définit l'esprit scientifique (lignes 7 à la fin)

Résumer en une phrase l'idée contenue dans chaque partie permet de vérifier la pertinence de notre découpage du texte, si plusieurs phrases sont nécessaires c'est que le découpage n'est pas satisfaisant.

  

Questions de compréhension du texte :

□ Expliquer « l’opinion a, en droit, toujours tort. L’opinion pense mal ; elle ne pense pas. Elle traduit des besoins en connaissances. En désignant les objets par leur utilité, elle s’interdit de les connaître. »

• Pour expliquer le texte il était important de donner une définition de l'opinion, définition indispensable pour comprendre pourquoi l'opinion "a en droit, toujours tort". Il fallait également préciser le sens du verbe "penser". Il fallait aussi s'interroger sur l'opposition utilité /connaissance.

Explication d'Ayse: "Si l'on reprend la définition de DURKHEIM,  l'opinion peut être définie comme un jugement collectif. C'est cette dimension sociale et collective qui s'impose à l'individu et qui légitime à ses yeux  ses opinions. Elle a une dimension subjective. L'opinion relève donc davantage de la croyance que de la connaissance.  la croyance est un sentiment subjective de certitude qui ne repose pas nécessairement sur une preuve ou une connaissance scientifique.  Or penser ce n'est pas simplement avoir des opinions, ou avoir des certitudes. penser c'est réfléchir, c'est soumettre ses opinions à l'examen critique de la raison. Lorsque Gaston Bachelard écrit "l'opinion pense mal ; elle ne pense pas". Il veut dire que deux dangers menacent le savoir. le premier consiste à croire que toute opinion particulière et subjective a une portée universelle, ce qui conduit son détenteur à vouloir l'imposer en refusant le débat. Le deuxième consiste à renoncer à rechercher la vérité. dans les deux cas l'opinion est donc un obstacle à la science qui ne peut pas se développer".

Remarque : Comme beaucoup d'autres d'élèves mis en difficulté part le texte,  Ayse a "oublié" d'expliquer la dernière phrase!

 

 

 

Question de réflexion :

Doit-on se libérer de ses opinions 

Remarques- extraits de bonnes copies- erreurs à éviter    

  

DANS L'INTRODUCTION

Méthode - Il est utile de préciser l'intérêt ou l'actualité de la question de la question posée et d'en préciser l'enjeu. Par exemple :

Dans nos démocraties l'opinion semble jouer un rôle décisif. Quel qu'en soit le sujet, les sondages d'opinion se succèdent comme s'ils étaient déterminants dans chaque décision  politique. Il est donc important de réfléchir sur le fondement de nos opinions.

Méthode : avant de répondre à la question posée, il est judicieux de la "mettre en question". De se demander par exemple ce que pouvait bien sous-entendre le verbe "se libérer". Cette démarche est ensuite très utile pour construire la problématique de la dissertation.

Alexandra : " Se libérer de l'opinion est-ce l'oublier ou seulement s'en détacher"?

MAIS ATTENTION DE NE PAS REFORMULER LE SUJET PROPOSE !

Par exemple, Virginie : "Le problème est de savoir s'il est bon de libérer ses opinions ? Au sens de "libérer" j'entends dévoiler, laisser libre cours à sa pensée, à son jugement".Ici on peut féliciter Virginie de définir le verbe "libérer" mais attention ici il s'agit du verbe "se libérer", ce qui n'a pas les mêmes conséquences pour la suite du développement. Reformuler le sujet comme le fait Virginie "Est-il bon de libérer ses opinions ?" alors que la question posée au départ était " Doit-on se libérer de ses opinions ?"peut conduire à un hors-sujet dans le sens où l'élève ne répond pas à la question qui est posée.

DANS LE DEVELOPPEMENT

Nicolas :" Avant de se poser la question de savoir si l'on doit se libérer de nos opinions, il est nécessaire de s'en poser une autre : d'où viennent nos opinions ? Emile Durkheim définit généralement l'opinion comme une "représentation collective, comme un jugement collectif porté sur un fait ou sur une croyance par une société donnée. L'opinion s'impose donc aux individus parce qu'elle a une dimension sociale et collective qui fonde son autorité".

 Méthode : la démarche de Nicolas qui consiste à définir le sens des mots avant de répondre au problème  est ce que l'on attend dans une dissertation de philosophie.

A partir de cette définition de DURKHEIM, Alexandra construit une ébauche de problématique :

→ 1) définition de Durkheim

Attention: la dimension collective de l'opinion ne suffit pas à la disqualifier. Les théories scientifiques sont aussi des représentations collectives.

→ 2) conséquences de cette définition :

- a) L'opinion a donc un sens positif car elle marque l'appartenance à un groupe et permet la cohésion de ce groupe.

- b) L'opinion a un aspect négatif car elle tend à uniformiser notre façon de penser, (sans compter qu'elle ne possède pas de fondement rationnel qui lui donne une légitimité). 

- c) Pour affirmer notre singularité il faudrait donc "se libérer" de l'opinion.

Autres éléments de définition de l'opinion :

Alexandra : " L'opinion est marquée par notre subjectivité. Elle résulte souvent d'un calcul avantages/inconvénients lié à nos intérêts. Ce qui fait dire à Gaston Bachelard qu'elle est davantage l'expression de nos besoins que le résultat de la recherche d'un savoir vrai. L'opinion exprime notre positionnement dans le monde".

Les élèves ont relevé comme caractéristiques de l'opinion :

- l'opinion est subjectiveFlora "l'opinion nous ressemble".

- l'opinion est vraisemblable. Elle peut ressembler à la vérité parce qu'on la considère qu'on certaine. Cela n'implique pas pour autant qu'elle soit vraie.

- Elle est marquée par la pluralité : à une question répondent souvent plusieurs opinons. Pierre et Julien remarquent très justement que cette pluralité des opinions peut être source de conflit.

Julien souligne comme Alexandra que "l'opinion est déterminée par les intérêts de celui qui la formule". Il retrouve ainsi le texte de Bachelard pour qui "l'opinion ne pense pas; Elle traduit des besoins en connaissances".

•Il était intéressant dans le développement de se réapproprier l'idée de Bachelard selon laquelle exprimer son opinion ce n'est synonyme de penser, réfléchir ou juger.

• Il était utile ici d'utiliser le travail fait sur le texte de Karl Jaspers (cf. Qu'est-ce que la philosophie ?) et de se réapproprier l'opposition dogmatisme/connaissance.

• la définition donnée dans le cours du verbe critiquer (examiner la valeur de ) était aussi très utile.

 

DANS LA CONCLUSION

Marion ( Excuses-moi si je me suis permis de remettre un peu d'ordre et de développer ton idée) : " L'opinion ne doit pas être rejetée, mais elle doit être utilisée avec discernement et s'appuyer sur des connaissances objectives. L'homme est un être libre qui doit décider de ses actions. Dans certains domaines comme la politique ou la morale il n'existe pas de connaissances objectives, avoir des opinions est donc nécessaire, car elles interviennent dans tous les choix et les décisions que nous devrons prendre pour agir dans le monde. Ce qui importe c'est de comprendre ce qui fonde nos opinions ".

Remarque - qualité du travail : le travail de Marion est très satisfaisant car même si pour l'instant Marion ne dispose pas de tous les éléments lui permettant de développer ses intuitions (nous ne sommes qu'au début de l'année) son argumentation débouche sur une prise de position personnelle. Penser par soi-même un problème est l'objectif de tout travail philosophique. Bravo!

  

Rédigé par Aline Louangvannasy

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