Explication de texte (correction): "La société du spectacle", Guy Debord - Fiche méthodique.
Publié le 5 Novembre 2012
Explication de texte
Expliquez le texte suivant :
1 - Toute la vie des sociétés dans lesquelles règnent les conditions modernes de production s’annonce comme une immense accumulation de spectacles. Tout ce qui était directement vécu s’est éloigné dans une représentation.
6 - le spectacle, compris dans sa totalité, est à la fois le résultat et le projet du mode de production existant. Il n’est pas un supplément du monde réel, sa décoration surajoutée. Il est le cœur de l’irréalisme de la société réelle. Sous toutes ses formes particulières, information ou propagande, publicité ou consommation directe de divertissements, le spectacle constitue le modèle présent de la vie socialement dominante. Il est l’affirmation omniprésente du choix déjà fait dans la production, et sa consommation corollaire. Forme et contenu du spectacle sont identiquement la justification totale des conditions et des fins du système existant. Le spectacle est aussi la présence permanente de cette justification, en tant qu’occupation de la part principale du temps vécu hors de la production moderne […]
30 – L’aliénation du spectateur au profit de l’objet contemplé (qui est le résultat de sa propre activité inconsciente) s’exprime ainsi : plus il contemple, moins il vit ; plus il accepte de se reconnaître dans les images dominantes du besoin, moins il comprend sa propre existence et son propre désir. L’extériorité du spectacle par rapport à l’homme agissant apparaît en ce que ses propres gestes ne sont plus à lui, mais à un autre qui les lui représente. C’est pourquoi le spectateur ne se sent chez lui nulle part, car le spectacle est partout.
Guy DEBORD, La société du spectacle, Folio essais, 1992
La connaissance de la doctrine de l’auteur n’est pas requise. Il faut et il suffit que l’explication rende compte, par la compréhension précise, du problème dont il est question.
La Société du spectacle, est un livre écrit par Guy Debord en 1967. C'est une thèse politique qui aura une importance considérable au 20ième siècle. Le film qui suit traduit son livre et a été réalisé par Guy Debord en 1973.
La Société du spectacle est une critique radicale de la marchandise et de sa domination sur la vie, de l'« aliénation » de la société de consommation.
Selon Debord, le spectacle est le stade achevé du capitalisme, il est un pendant concret de l'organisation économique de la marchandise. Le spectacle est une "idéologie économique" qui permet à la société contemporaine de légitimer l’universalité d’une vision unique de la vie, en l’imposant aux sens et à la conscience de tous, via une sphère de manifestations audio-visuelles, bureaucratiques, politiques et économiques solidaires. Le but de ce dispositif est de de maintenir la reproduction du pouvoir et de l’aliénation. Ce qui conduit inexorablement à la perte du vivant, à la perte de la vie.
Méthode de l ’explication de texte
1. Remarque :
Comme il est précisé dans la phrase qui suit le texte :« La connaissance de la doctrine de l’auteur n’est pas requise. Il faut et il suffit que l’explication rende compte, par la compréhension précise, du problème dont il est question. » Il n’est pas nécessaire ici de connaître les thèses de Guy Debord sur la société du spectacle pour expliquer le texte. Il s’agit de lire méthodiquement le texte et d’essayer de comprendre quel est le problème posé et comment le texte le résout. Autrement dit tous les éléments de compréhension sont dans le texte.
2. Première lecture du texte :
On détermine :
- Le thème du texte : …………………………. (un seul mot)
- La question posée par le texte
………………………………………………………………………………………… (A rédiger sous la forme d’une question portant sur le thème du texte)
- La thèse du texte
…………………………………………………………………………………
………………………………………………………………………………………………………
(A rédiger sous la forme d’une phrase répondant à la question posée par le texte)
Tous ces éléments seront utiles pour rédiger l’introduction de l’explication de texte.
Attention : comme on peut le remarquer, le mot « spectacle » est répété plusieurs fois dans le texte. Il aura donc une fonction centrale.
• Pour Guy Debord, le spectacle ne renvoie pas simplement aux formes imagées du spectacle telles que nous les connaissons (la télévision, le cinéma, la publicité, la production d’images en général) mais à l’ensemble du fonctionnement des sociétés capitalistes actuelles.
3. Deuxième lecture du texte :
On détermine les étapes de l’argumentation.
La difficulté est que le texte se présente sous la forme de trois fragments. Ces fragments ont cependant une cohérence et constitue un texte qui se déroule selon une progression. Les étapes de l’argumentation retracent les étapes de cette progression.
Je résume chaque étape en une phrase qui résume l’idée contenue dans chaque étape : il ne doit pas y avoir de répétition ; il doit y avoir une cohérence logique entre chaque étape.
4. Troisième lecture du texte : explication détaillée du texte.
● L’explication est linéaire, elle suit pas à pas la progression du texte. Elle est détaillée.
Attention :
1. Il ne faut pas se contenter de saucissonner le texte, il faut mettre en relation les phrases entre elles.
2. Il faut éviter la paraphrase. Cela veut dire expliquer et développer ce qui est sous-entendu par le texte.
3. Il faut éviter de broder sur le texte et lui faire dire ce qu’il ne dit pas.
● On peut intégrer dans l’explication de texte des commentaires faisant par exemple le lien avec les théories d’autres auteurs (Marx, la caverne de Platon…). Ces commentaires doivent permettre une meilleure compréhension du texte.
Exemple d'introduction (Solène P.)
La société du spectacle est un essai écrit par Guy Debord en 1967, dans lequel ce dernier s'interroge sur les évolutions du mode de de production, qu'il désigne sous le terme de "spectacles" et ses conséquences sur l'homme. Dans ce texte il défend la thèse que la société du spectacle conduit à de nouvelles formes d'aliénation de l'homme.
Dans une première partie, nous définirons ce que Guy Debord entend sous le terme de "spectacle", puis nous verrons comment le spectacle s'inscrit dans la logique du mode de production capitaliste, conduisant, dans une troisième prtie à de nouvelles formes d'aliénation de l'homme qui impactent tous les aspects de sa vie.
Explication détaillée :
Phrase 1 : Toute la vie des sociétés dans lesquelles règnent les conditions modernes de production s’annonce comme une immense accumulation de spectacles.
Cette première phrase qui est la première phrase du livre de Guy Debord "la société du spectacle", Guy Debord annonce l'objet de son étude: Nos sociétés capitalistes contemporaines (le texte a été écrit en 1967) sont entrées dans une nouvelle phase de leur développement que Guy Debord appelle "la société du spectacle".
Les sociétés dans lesquelles "règnent les conditions modernes de production" sont les sociétés capitalistes. Guy Debord insiste sur ce qu'il considère comme une caractéristique de ces sociétés : l'accumulation (même si ce terme est à peine détourné de son sens originaire).
Dans son oeuvre Marx a particulièrement insisté sur ce qu'il a appelé "l'accumulation primitive du capital" qui désigne l'ensemble des moyens par lesquels une couche sociale (la bourgeoisie) a acquis les moyens matériels lui permettant de devenir une couche sociale dominante, unie par des intérêts communs, en d'autre terme terme une classe sociale). Ce qui est important ici pour la compréhension à venir du texte de Guy Debord, c'est que dans la problématique marxiste, le capital ne distingue pas les moyens de production eux-mêmes, mais le rapport social que la propriété des moyens de production permet d'instaurer entre ceux qui les possèdent et ceux qui ne les possédant pas sont obligés de vendre aux premiers leur force de travail. Nous avions vu dans le texte de Marx sur la religion que le genre humain ce n'est pas l'homme abstrait, recroquevillé sur lui-même, mais que l'homme c'est des rapports sociaux, c'est l'ensemble des besoins et des moyens matériels, immatériels et institutionnels, qu'il met en oeuvre pour leur satisfaction dans le cadre de la vie en commun.
Ainsi lorsque Guy Debord utilise l'expression "accumulation de spectacles", il ne veut pas dire que le développement des médias et à cette époque plus particulièrement de la télévision, du cinéma, de la publicité , a multiplié les formes de divertissement liées à ces nouveaux objets techniques, mais il veut dire que notre société qui est façonnée par ses nouveaux objets que fabriquent les hommes, voir apparaître aujourd'hui de nouveaux rapports sociaux qui modifient non seulement les relations des individus entre eux, mais créent de nouveaux rapport de domination entre les hommes. Ainsi pour Guy Debord le spectacle est essentiellement un rapport social ("4- le spectacle n'est pas un ensemble d'images, mais un rapport social entre des personnes médiatisé par des images"- cf. La société du spectacle)
Remarque Alexis M. signale le parallèle vec la première phrase du Capital de Marx : " la richesse des sociétés dans lesquelles règnent le mode de production capitaliste s'annonce comme une immense accumulation de marchandises". Il aurait été intéressant de développer la relation entre ces deux concepts : "marchandises" et "spectacles".
Phrase 2 : Tout ce qui était directement vécu s’est éloigné dans une représentation.
Ce lien entre la "marchandise" et le "spectacle "pouvait être fait à travers ce que Marx désigne sous le terme de fétichisme de la marchandise. Pour résumer rapidement le sens de cette expression, Marx désigne ici l'apect trompeur de l'échange des marchandises. Dans l'échange on a l'impression que ne s'établit qu'un rapport entre des choses. Par exemple lorsque j'achète une chaise dix euros. Mais Marx nous explique que derrière cette apparence se dissimule des rapports sociaux entre Des hommes. Entre ceux qui fabriquent que la chaise, une chaise qui ne sera échangée que 10 euros alors que le travail investi dedans ne sera pas rémunéré à sa valeur, tout en permettant au capitaliste de faire un profit qu'il réinvestira soit dans son aoutil de production, soit qu'il distribuer aux actionnaires. Le fétichisme de la marchandise nous éloigne donc de ce qui est réeellement vécu par les hommes qui produisent ou achètent cette chaise.
De même ce qui caractérise le spectacle, c'est qu'il s'oppose au mouvement de la vie, "à ce qui est directement vécu" par l'individu (lignes 3-4). Tout est désormais "représentation". Dans une représentation quelle qu'elle soit la chose représentée (ici la vie) est à la fois posée comme existante mais en même temps comme absente. Ici la vie ne se présente pas dans son immédiateté, elle se re-présente par l'intermédiaire ou la médiation d'images qui en garantissent la valeur. On peut prendre comme exemple les informations données au journal télévisé. Les informations sont des marchandises comme les autres, produites, achetées par les chaînes de télévision. Ces informations que personne parmi les spectateurs ne vit directement mais qui concernent tout spectateur, sont mises en scène de telles sorte qu'on nous en garantit d'une part l'authenticité, d'autre part comme ayant un impact direct sur nos conditions concrètes de vie. Donc de façon caricaturale, le spectateur vit sa vie à travers l'écran de son téléviseur en consommant des marchandises qui satisfont des besoins.
Remarque : Marie B. procède de façon intéressante à partir de l'étymologie latine du mot spectacle (Spectaculum); Elle relève les deux sens : 1) la vue d'ensemble qui attire le regard, l'attention et le divertissement offert au public. Même si ce n'est pas le sens premier donné par Guy Debord au mot spectacle, dans la théorie qu'il développe ensuite, ces deux sens ont leur importance, car le spectacle s'offre comme une totalité, aucune dimension de l'existence n'échappe à cette dimension spectaculaire et ensuite, le spectacle dans ses mécanismes de fonctionnement joue comme une représentation de théâtre qui met en scène la vie, une vie rêvée, fantasmée qui n'a rien à voir avec la vie... Ce que rajoute Guy Debord, c'est que le spectacle même s'il utilise des formes archaïques, génère des rapports sociaux nouveaux qu'il nous faut désormais penser.
Phrase 3 : Le spectacle, compris dans sa totalité, est à la fois le résultat et le projet du mode de production existant.
Dans cette phrase Guy Debord fait le lien entre le système de production capitaliste et la société du spectacle. Ce qui peut surprendre le lecteur dans la rédaction du texte c'est que pour Guy Debord "le résultat" précède "le projet". Pour l'auteur la société du spectacle est une évolution nécessaire du mode de production capitaliste, elle en résulte, elle en est le "résultat". Aujourd'hui le mode de production capitaliste ne peut plus poursuivre son expansion sans s'appuyer sur les mécanismes de propagande comme l'écrirait Noam Chomsky, à l'oeuvre au sein de la société spectacle, dont par exemple les vedettes sont en quelque sorte les VRP qui vont promouvoir de nouveaux "projets"ou style de vie qui serviront de modèle à la masse.
Phrase 4 : Il n’est pas un supplément du monde réel, sa décoration surajoutée.
Si la société du spectacle est par définition un ensemble de rapports sociaux, même vécus indirectement et médiatisés par des images, elle n'est pas pour autant quelque chose qui se rajouterait au mode réel, comme une décoration, elle est le monde réel.
Phrase 5 : Il est le cœur de l’irréalisme de la société réelle.
Sauf que la société du spectacle, qui par définition "éloigne tout ce qui est vécu dans une représentation" (phrase 2), a beau être le monde réel, elle est
un monde irréaliste, coupé de la réalité vécue par la population. Cette société spectaculaire, dans laquelle tout est mensonger nous rappelle la situation des prisonniers de la caverne de Platon. N'ayant rien connu d'autres, ces prisonniers ne sont pas malheureux car ils sont persuadés que ce spectacle de jeux d'ombres qui se déploient sur le mur, sont la réalité.
Phrase 6 : Sous toutes ses formes particulières, information ou propagande, publicité ou consommation directe de divertissements, le spectacle constitue le modèle présent de la vie socialement dominante.
Si sous toutes ses formes particulières, "le spectacle constitue le modèle présent de la vie socialement dominante", c'est que sans ce spectacle dont les hommes n'entrevoient que la partie superficielle (le spectacle comme loisir et non comme domination), la réalité vécue par les hommes dans le monde capitaliste serait insupportable. En un sens ce spectacle fondé sur l'illusion et le mensonge est devenu aujourd'hui une nécessité. On retrouve ici certains aspects de la critique irréligieuse de Marx. Dans un monde "inversé" où l'économie n'est plus au service des hommes mais où les hommes sont au service de l'économie, la société du spectacle est est en quelque sorte un pharmakon, à la fois un remède et un poison. C'est un remède puisqu'il permet de supporter l'insupportable et un poison car il véhicule les idées de la classe dominante qui contrôle l'industrie du spectacle.
Phrase 7 : Il est l’affirmation omniprésente du choix déjà fait dans la production, et sa consommation corollaire.
Guy Debord reprend ici l'idée développée à la phrase 3. Lorsque le spectateur consomme pour être à la mode, ou à l'avant garde, il ne fait en fait qu'entériner des choix qui ont déjà été faits dans la production dont le seul objectif est d'amener le spectateur a consommer toujours davantage. Dans la société du spectacle l'homme est soit un producteur, soit un consommateur. Il n'est rien d'autre.
Phrase 8 : Forme et contenu du spectacle sont identiquement la justification totale des conditions et des fins du système existant.
On a ici à nouveau une reprise de la phrase 3. La société du spectacle est au service du mode de production capitaliste.
Phrase 9 : Le spectacle est aussi la présence permanente de cette justification, en tant qu’occupation de la part principale du temps vécu hors de la production moderne.
le spectacle comme rapport social de domination ne se limite plus aux activités productives, mais touche aussi la sphère des loisirs.
Phrase 10 : L’aliénation du spectateur au profit de l’objet contemplé (qui est le résultat de sa propre activité inconsciente) s’exprime ainsi : plus il contemple, moins il vit ; plus il accepte de se reconnaître dans les images dominantes du besoin, moins il comprend sa propre existence et son propre désir.
Dans la société spectaculaire, l'homme ne peut exister que par la médiation de l'image , c'est çà dire de l'apparaître. En s'identifiant aux vedettes qui font la mode, il aura besoin pour vivre de posséder un certain nombres d'objets qui sont pour la plupart les marques d'appartenance de la classe dominante, objets que dans la plupart du temps, il ne pourra pas acquérir, qu'il pourra juste contempler et désirer. Fantasmant une vie qui n'est pas la sienne et qu'il ne pourra jamais réaliser, ce spectateur ne vit pas ou par transition et devient étranger à lui-même (aliéné) et à son propre désir.
Phrase 11 : L’extériorité du spectacle par rapport à l’homme agissant apparaît en ce que ses propres gestes ne sont plus à lui, mais à un autre qui les lui représente.
La société du spectacle ne fait qu'étendre et amplifier l'aliénation et la domination du travailleur. Au XIX° siècle celui se contentait de vendre sa force de travail. Aujourd'hui le travailleur est dépossédé de sa vie, de sa culture et de ses traditions, puisque fantasmant une vie meilleure, il ne fait en fait que reproduire et singer les gestes de l'exploiteur.
Phrase 12 : C’est pourquoi le spectateur ne se sent chez lui nulle part, car le spectacle est partout.
Cette domination absolue de l'homme s'est accrue dans le sens où plus aucun aspect de la vie privée de l'individu n'échappe au contrôle de la société de production capitaliste.
4. Discussion de la thèse de l’auteur.
C’est dans cette partie de l’exercice que l’élève donne son point de vue de façon argumentée sur la thèse de l’auteur.
Rédaction finale
L'explication de texte rédigée comprend :
- L'introduction présentant le texte et la discussion à venir le texte
- L'explication proprement dite et le commentaire du texte ; Cette explication se divise en suivant les grandes parties du texte. (une seule idée par partie). Idem pour le commentaire ( il y a autant de parties qu'il y a d'idées développées dans la discussion)
- La conclusion.
•Voir également les pages (cliquez sur les liens) :
Explication de texte : " La société du spectacle" de Guy Debord (1992)
Noam CHOMSKY : La fabrication du consentement
Lectures : L'allégorie de la caverne de Platon, traduction d'Alain Badiou (2012)
mots clés : méthode de l'explication d'un texte philosophique, accumumtion primitive du capital société du spectacle,loisirs Marx, Guy Debord