MARX : Les concepts fondamentaux du Capital (2) -
Publié le 24 Février 2013
S. Salgado
Les Sans-Terre prennent possession de la ferme Giacometti
En s’appuyant sur les travaux des économistes classiques, en particulier sur la théorie du salaire et la théorie de la valeur-travail, il démontre qu’il s’agit d’un système social particulier, historiquement construit. Il met à jour ce qu’il appelle l’exploitation de la classe ouvrière par les détenteurs du capital.
Dans le système capitaliste la force de travail est une marchandise. Le capitaliste achète cette force de travail à une valeur qui n' a rien à voir avec sa valeur d'usage, mesurée par la quantité de travail moyen exigé - dans des conditions historiques données - pour les marchandises consommées pour son entretien et sa reproduction.
La propriété de cette marchandise (sa valeur d'usage) consiste à produire de la valeur en quantité indépendantede sa propre valeur, et normalement supérieure à sa propre valeur. La différence entre la valeur de la force de travail et la valeur de la marchandise produite fournit la plus-value, que le capitaliste réalise lorsqu'il vend les marchandises produites par le travail, à leur valeur.
La reproduction élargie consiste donc en l'appropriation par le capitaliste de la plus-value créée par le travailleur, et la conversion continue d'une partie de cette plus-value en capital supplémentaire.
Pour lui, le prélèvement du "surplus économique" (David Ricardo) – qu’il nomme plus-value en l’exprimant en « valeur », en quantité de travail social abstrait – ne correspond à aucune loi naturelle. C’est un phénomène social qui spolie le travailleur d’une fraction du produit de son travail (le taux d’exploitation mesure le rapport entre la plus value extraite et la partie de la valeur produite qui revient aux travailleurs productifs sous forme de salaires).
De ce fait pour lui, la lutte des classes est la conséquence inévitable de ce rapport d’exploitation.
Machinisme et prolétariat
Pour Marx, le capitalisme n’était pas destiné à une mort lente, ni à être écrasé par une autre puissance mais à une transformation révolutionnaire complète.
Il croyait que les forces objectives engendrées par le système capitaliste, modelaient inexorablement une classe révolutionnaire à la fois désireuse et capable de renverser l’ordre existant : le prolétariat. Ce désir lui en venait de sa condition privée de non seulement de tous les biens matériels mais surtout de son humanité essentielle et, en dernier ressort, irrépressible. Quant à sa capacité, elle le tirait de sa force numérique et de son rôle indispensable dans le procès de production.
Le passage de la manufacture à l'industrie moderne est marqué par la mécanisation des processus de production. L'essence de la révolution industrielle est pour Marx dans la substitution des machines au travail manuel. Cette mécanisation affecte non seulement le modus operandi du procès de production, mais également la nature et la composition de la classe ouvrière.
Ces transformations amènent de profonds bouleversements dans une société relativement conservatrice et hostile au changement. Selon Marx, le capitalisme industriel ouvre la voie à une société hyper-dynamique, engagée dans une voie qui la conduit à un renversement révolutionnaire inévitable.
La thèse de Marx est que l'introduction du machinisme supprime, ou réduit considérablement le besoin de spécialisation, et privilégie plutôt la rapidité et la dextérité. Il permet ainsi l’emploi massif des femmes et des enfants et diminue la valeur de la force de travail des adultes de sexe masculin, en obviant aux besoins d’une formation longue et coûteuse.
Il s’ensuit une vaste expansion de la main d’œuvre, encore augmentée par deux facteurs additionnels :
- a) Une fois installé, sans retour possible dans les industries de base, le machinisme envahit sans cesse de nouvelles branches de la production, coupant l’herbe sous le pied des anciens travailleurs manuels qu’il jette sur le marché du travail ;
- b) L’amélioration permanente du machinisme dans les industries qu’il a déjà conquises ne cesse de supprimer des emplois et réduit d’autant la capacité de création d’emplois nouveaux dont est affecté un taux d’accumulation donné.
On voit ainsi que le machinisme uniformise en baisse les coûts de production de la force de travail et d’autre part réduit le taux d’accroissement de la demande de main d’œuvre. Les relations de pouvoir économique entre le capital et le travail s’en trouvent bouleversés. Les salaires descendent jusqu’au minimum vital et parfois même en dessous ; la journée de travail s’allonge au-delà de tout ce que l’on avait connu ; les cadences s’accélèrent pour suivre la vitesse toujours croissante des machines.
Le machinisme conduit ainsi à son terme le mouvement de subjugation du travail par le capital, entrepris au cours de l’accumulation primitive.
C’est l’emploi capitaliste du machinisme et non le seul capitalisme en général, qui donne naissance au prolétariat.
Si du point de vue économique, le pouvoir du prolétariat dans l’ère de la grande industrie, est considérablement inférieur à celui de son prédécesseur à l’ère de la manufacture, son pouvoir politique potentiel est formidablement accru. Dans l’industrie moderne, l’exploitation sans fin dont il est victime, débarrasse le travailleur de tout intérêt pour l’ordre social existant, le contraint à vivre dans des conditions où la morale n’a pas de sens, où toute vie de famille est impossible. Elle finit par l’aliéner totalement à son travail, à ses produits, à la société, voire à lui-même. Ainsi, au contraire de ses prédécesseurs de l’époque manufacturière, ces travailleurs forment un prolétariat qui a non seulement tout intérêt à entreprendre une action révolutionnaire pour renverser l’ordre social, mais qui en a aussi la capacité.